On a eu de la chance, mon ami, toi et moi,
nous étions si contents de finalement laisser l´anglais de coté, et commencer
avec quelque chose de nouvelle, un vrai défi: le français. Pour moi, la langue française
avait toujours fait parti de la famille maternelle, même si ce n´était que des
mots occasionnels, des petites phrases simples genre "Je
m´appelle"..., phrases que, il faut dire, ma grand-mère m´apprenait avec
passion et intensité. Mon oncle, lui aussi, cherchait à me transmettre un peu
de son amour pour la langue de Molière, la langue de Verne et Rimbaud.
Et aujourd’hui´hui,
tant d´années plus tard, je leur remercie énormément bien sûr, mais je dois
faire mention d´un personnage excentrique et curieux, le premier français qui a
vraiment touché ma vie et qui a tout bouleversé: Denis Vermeulen. Cet homme n´a
même pas un nom très français, et si je me rappelle bien, il venait du nord de
la France (Lens?), mais il fut notre premier professeur de français ; un français
qui est arrivé dans nos vies pour nous apprendre pas seulement la langue, mais
la façon de vie, les petites merveilles du mode de vie français. Mon meilleur
ami et moi, nous voulions tout apprendre, tout répéter, tout saisir. Ce personnage
nous parlait en français rapide, sans pitié, sans s´arrêter ou
ralentir... TAK!:
- BonjouggtoutlemondejemappelleDenisVeggmeulenetjesuisvotggepggoffeseuggdefggancais....
Merde! qu´-est-ce
qu´il était difficile de comprendre ce qu´il nous disait! Il se moquait de nous
peut-être, mais maintenant je comprends pourquoi il faisait ca: personne
n´allait vraiment apprendre la langue (n´importe quelle langue, il faut dire)
s´il allait tout doucement, il fallait se lancer tout de suite, directement,
comme si l´on allait nager et on s´arrêtait devant la piscine pour toucher
l´eau...voir si ca nous convient ou pas. NON! disait Denis, si vous avez des
questions, vous levez la main et vous essayez en français.
Il a écrit sur le
tableau: yo = je , tú =tu.... AEIOU, ba be bi bo bü (il était intense concernant
la correcte prononciation des voyelles, et nous expliquait que le français est
une langue très nasale aussi).
Je me souviens bien,
un jour nous sommes arrivés tôt le matin (la classe commençait a 7heures du
matin), et il faisait froid. On était tous gelés, assis mais toujours portant
nos vestes, et le voilà Denis Vermeulen, très masculin, barbu, avec cet air
inexplicable et absurdement français avec ce je ne sais quoi, bref, qui
arrivait et déposait son veste sur la table, et qui nous obligeait a nous débarrasser
des nôtres, et nous montrait comment générer un peu de chaleur en frottant nos
bras avec nos mains.
Chaque jour il nous partageait
quelque chose de nouvelle, et qui commençait, petit à petit, un feu brulant
dans mon âme. Je voulais apprendre davantage, pratiquer plus, apprendre plus.
Les chansons qu´il nous montrait, des étendards absolument français... chanson française,
comme La vie en rose, de Piaf; mais aussi quelque chose de plus sympa, plus
moderne et bohème comme La Rue Ketanou, et même l´innocence de la Brave Margot,
par Brassens. C´était lui qui m´a parlé du film Les Choristes pour la première
fois, et finirait par me recommander plusieurs d´autres films que j´avais hâte
de regarder. C´est grâce a lui que j´ai voulu continuer les deux semestres
prochaines avec français II et III (Bernard Gottofrey et Ana María Ramírez), et
finalement j´ai décidé de partir un an en France, vivre chez ma chère famille
Bouchardeau (ma famille française, celle qui m´a ouvert les portes de leur
maison, et finalement montré ce qu´il voulait dire être un français, vivre tel
qu´un, et en rester un dans mon cœur).
Je voulais juste
parler de lui, ou qu´il soit, pour lui remercier toutes ces choses grandioses
qu´il nous a offertes: la passion pour une culture nouvelle et différente,
cette façon très française de vivre la vie et n´en avoir rien a foutre de ce que les autres pensent.
Il a laissé en moi, sans doute, une lumière dorée qui brille sans
fin tout au bout du chemin...